"Poulet noir, poulet authentique": ce dicton toscan témoigne de l’ancrage sur le territoire du pollo nero del Valdarno, race ancienne au plumage noir. Dans le cadre de la campagne Food for Change de Slow Food, nous sommes partis à la rencontre de ce passager de l’Arche du Goût.
Poulet noir de Valdarno nominé à l'Arche du Goût par le Chef Gaetano Trovato du restaurant Arnolfo en Italie
Ce poulet, c’est tout un symbole. Sa silhouette a inspiré le coq noir qui orne les bouteilles de Chianti Classico — l’appellation la plus réputée de Chianti — et qui fut symbole du territoire dès 1384. Et pourtant, au 20ème siècle il connaît des moments de solitude et semble condamné à ne plus exister que sur ces étiquettes… Dans les années 1990, un travail génétique permet de récupérer les caractéristiques et de reconstituer la race.
Pour nous parler de ce poulet, Gaetano Trovato, chef d’Arnolfo Ristorante à Colle di Val d’Elsa, dans le Chianti bien sûr. Deux étoiles Michelin à son actif, il propose une cuisine recherchée, attentive aux jeux chromatiques. Une cuisine qu’il définit comme une architecture qui se consomme, et qui trouve sa raison d’être dans le sentiment et dans le territoire où elle est enracinée. Rien d’étonnant donc à ce qu’Arnolfo Ristorante fasse partie de la famille Relais & Châteaux, comme l’appelle Gaetano, ni à ce que ce dernier se soit engagé dans la campagne Food for Change 2021 avec Slow Food et Relais & Châteaux pour mettre en valeur le poulet noir du Valdarno.
Gaetano nous présente à Laura Pieri, éleveuse de volailles qui fournit son restaurant en poulet noir de Valdarno mais aussi en pigeon, canard, pintade… Laura a lâché le marketing en 2004, à 30 ans, pour marcher sur les pas de son grand-père. Elle élève ses volailles dans un bois de 8 hectares, avec des poulaillers mobiles. Les animaux vivent à l’air libre, montent sur les arbres et se régalent de vers et de racines trouvés dans le sol en complément du mélange de maïs et graminées que leur donne Laura. Le soir, la volaille rentre au poulailler car les prédateurs rodent. Laura a aussi installé un abattoir sur la ferme, pour éviter le stress du déplacement aux animaux et préserver les caractéristiques organoleptiques de leur chair.
Des conditions idéales pour le poulet noir du Valdarno, race très rustique inadaptée à l’élevage intensif. C’est d’ailleurs ce qui explique en partie sa disparition des campagnes toscanes au cours du 20ème siècle. Une autre raison est sa croissance lente : il est abattu à 180 jours environ, à comparer avec les 35 jours d’un poulet ordinaire…
Il faut ensuite un certain savoir-faire pour valoriser sa viande. La chair blanche est très savoureuse, mais elle est ferme et très peu grasse, adaptée aux plats mijotés de la tradition. Gaetano a réfléchi à une interprétation moderne, dans laquelle la juste cuisson de chaque pièce est respectée : les ailes servent à confectionner une entrée ; la carcasse, un bouillon, dans lequel cuisent des pâtes farcies avec la chair des cuisses ; les suprêmes, enfin, constituent le plat principal. Rien ne se jette : cœurs, foies, gésiers, cous, rognons blancs mais aussi crêtes sont utilisés dans un plat traditionnel toscan, le cibreo.
Dans une époque placée sous le signe de la vitesse et de la simplification, Gaetano et Laura ont choisi de se compliquer la vie et de prendre le temps, pour le bonheur des gourmets. Mais aussi pour transmettre aux nouvelles générations l’identité de ce territoire qui est tout à la fois sa richesse, son unicité et sa monnaie d’échange avec d’autres cultures. La biodiversité est une diversité culturelle qui rend le monde plus riche et plus beau.
