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L’inestimable valeur de l’artisanat
Plus qu’une tendance ou un style, l’artisanat peut faire partie intégrante de la création d’un lieu et même en être le moteur. En s’appuyant sur des savoir-faire locaux, les hôteliers et leurs décorateurs d’intérieurs donnent à leurs établissements la valeur distinctive que recherchent les hôtes.
Plus qu’une tendance ou un style, l’artisanat peut faire partie intégrante de la création d’un lieu et même en être le moteur. En s’appuyant sur des savoir-faire locaux, les hôteliers et leurs décorateurs d’intérieurs donnent à leurs établissements la valeur distinctive que recherchent les hôtes.
Faisant le pont entre tradition et modernité, ces six maisons, qui mettent l’artisanat au cœur de leur identité, participent à la préservation des techniques ancestrales, les font évoluer et développent du lien avec leur communauté. Ils ajoutent du sens à un lieu, le connectant à son territoire, son histoire et ses habitants.
Sur les traces du cristal Lalique
Villa René Lalique, Wingen-sur-Moder, France
Voilà une propriété dont la création découle directement d’un artisanat prestigieux. Tout ici rend hommage au savoir-faire d’une maison, une maîtrise du feu et des formes qui a fait de Lalique l’emblème du cristal.
Cette villa, René Lalique l’a construite en 1920, juste avant d’installer sa verrerie en Alsace. Il l’habita lors de ses séjours dans la région, ainsi que sa famille après sa disparition en 1945. C’est en 2015, après de grandes rénovations que la villa rouvre en tant qu’hôtel avec 6 suites, chacune avec un design inspiré d’un motif créé par René Lalique : Hirondelles, Rose, Panthère Zeila, Dahlia, Dragon, Masque de femme.
Des appliques aux tables basses, des pieds de lampes aux poignées de porte, l'ensemble de ce décor célèbre la beauté et la lumière du cristal. Jusque dans le restaurant gastronomique et son art de la table.
Faire beauté de tout bois
In Lain Hotel Cadonau, Brail, Suisse
La famille Cadonau est passionnée par le travail du bois depuis des siècles, et l'artisanat exemplaire de l'hôtel Cadonau montre à quel point ce métier est ancré dans leur identité. Dans les années 1970, lorsque l'ancienne ferme est aménagée en restaurant puis, en 2006, lorsqu'elle devient un hôtel, les transformations sont réalisées en grande partie grâce à l'expertise de l'atelier de menuiserie de la famille. Ses compétences, ses connaissances et son approche écologique ont largement précédé le concept de durabilité si prisé aujourd'hui.
Le terme in lain signifie "en bois", et la propriété porte bien son nom. Non seulement la structure et les murs, mais aussi tout le mobilier et les sculptures, réalisés dans l'usine sous la direction de Marco Cadonau, qui a repris l’entreprise de menuiserie de son père il y a quelques années (son frère Dario s'occupe des cuisines de l'hôtel et du restaurant depuis 2010).
L’héritage de l’Engadine se déploie dans tous les espaces, avec du bois sculpté et tourné exécuté dans différents styles - traditionnel dans le restaurant La Stüvetta, et contemporain dans le restaurant gastronomique VIVANDA et les suites modernes de l'hôtel.
Les voyages dans le voyage
The Inn of the Five Graces, Santa Fe, Nouveau-Mexique, États-Unis
Cet hôtel est un cas unique. Un lieu où converge non pas un artisanat local, mais l’accumulation de savoir-faire venus de différents pays. Une abondance de textures, de motifs de couleurs, qui avec le talent de ses fondateurs, prend tout son sens. Car ce qui donne ici de l’authenticité à la démarche, c’est leur parcours, bien plus qu’un effet de décoration.
Dès la fin des années 60, Ira Seret parcourt l’Afghanistan, à la recherche de pièces pour la mode. Puis il rencontre Sylvia, brodeuse, et c’est ensemble qu'ils poursuivent le voyage, créant leurs propres modèles, chinant tapis et objets venus d’Afghanistan, d’Inde, du Pakistan, du Tibet ou de Turquie. Ils y trouvent et font travailler les meilleurs artisans.
En 1981, ils s’installent à Santa Fe et ouvrent une boutique extraordinaire, Seret & Sons, qui rassemble leurs trouvailles. L’hôtel Inn of the Five Graces n’est que le prolongement de cette démarche, l’incarnation d’un art de vivre qui s’intègre parfaitement à la douceur de vie de la région.
Une histoire gravée dans le bois
Wickaninnish Inn, Tofino, Canada
L’océan, le ciel, les arbres. Le Wickaninnish Inn incarne l’esprit du Pacific Northwest, une connexion profonde et respectueuse avec la nature. C’est sur ce promontoire rocheux face aux vagues et au vent, qu’un artisan, Henry Nolla construisit en 1978, une maison de vacances, simple cabine en bois commandée par la famille McDiarmid. Les prémices de ce qui devint par la suite le Wickaninnish Inn.
Henry Nolla, n’était pas qu’un charpentier doué, c’était aussi un sculpteur sur bois génial et inventif, que la famille McDiarmid a invité à s’installer sur sa propriété. Jusqu’à sa disparition en 2004, Henry Nolla a inspiré et formé une communauté d’artisans qui tour à tour ont laissé leur empreinte dans le bois et dans la communauté. Sa cabin existe toujours et baptisée The Carving Shed, elle est utilisée par des artisans qui y travaillent en résidence. Un peu partout dans l’hôtel, les hôtes peuvent admirer leur travail, qui est même évoqué dans un cocktail au rye-whisky infusé de bois de cèdre.
Bâtir un mirage dans le désert
Mihir Garh, Jodhpur, Inde
Il existe au Rajasthan, des dizaines de forts et de palais transformés en hôtels. Mihir Garh est tout autre : un fort construit de toutes pièces dans le désert et ouvert en 2009. Un rêve concrétisé pour ses propriétaires Sidharth et Rashmi Singh qui l’ont dessiné dans ses moindres détails.
Il aura fallu deux ans et une centaine d’artisans locaux pour faire émerger du sable ce bâtiment qui met en valeur les techniques de construction traditionnelles et les savoir-faire de la région : les sols des chambres en plâtre, confectionnés selon un procédé connu par de rares artisans, les cheminées façonnées par les femmes des villages voisins en argile et bouse de vaches.
Pour accompagner ce travail artisanal et ancien, Rashmi Singh a choisi un à un les meubles en bois sculptés de la région, les accessoires en miroirs brodés de l’ouest du Rajasthan, les lampes en laiton. Et pour une touche contemporaine, des portraits de femmes peints par un jeune designer, ornent les murs de la salle du restaurant.
Moderne depuis 500 ans
Asaba, Shuzenji, Izu, Japon
Asaba propose la quintessence des savoir-faire japonais, des artisanats aussi anciens dans leurs techniques que modernes dans leurs formes. Une épure, des lignes sobres, des tonalités douces qui mettent en valeur le paysage, l’eau des sources chaudes et apaisantes. Le bleu du traditionnel indigo japonais posé en motifs géométriques sur les noren (rideaux) ou les coussins, les shojis (cloisons coulissantes en bois), qui rythment les espaces, avec au sol la régularité des tatamis bordés d’une bande noire.
Dans la partie ancienne de ce ryokan, ce sont les linteaux de bois sculptés, des ornements aux motifs de végétaux. Une tradition avec laquelle converse volontiers l’art abstrait de Lee Ufan ou électronique de Tatsuo Miyajima. L’on comprend en s’asseyant dans un fauteuil du suédois Bruno Mathsson, l’influence que les artisans du Japon ont eue sur les designers scandinaves. Tout ici a un sens, chaque objet, chaque bol dans lequel on boit ou se nourrit, portant toujours l’intention, si ce n’est la trace de celui qui l’a fabriqué.