- Cuisine
- Olivier Reneau
- L’art de recevoir: chorégraphie d’un service, de la cuisine à la salle
L’art de recevoir:
chorégraphie d’un service,
de la cuisine à la salle
Un repas dans un restaurant, au-delà de son attrait culinaire, doit traduire tout le sens de l’hospitalité que porte un cuisinier, un maître d’hôtel à un convive dans son établissement. Certaines expériences, nourries d’attentions uniques, offrent le sentiment d’être chéri de manière exclusive.
Un repas dans un restaurant, au-delà de son attrait culinaire, doit traduire tout le sens de l’hospitalité que porte un cuisinier, un maître d’hôtel à un convive dans son établissement. Certaines expériences, nourries d’attentions uniques, offrent le sentiment d’être chéri de manière exclusive.
Le spectacle du repas à La Grenouillère, Montreuil-sur-Mer, France
Le cadre d’un restaurant compte pour beaucoup dans la réussite d’un repas. Alors quand l’adresse s’impose comme un théâtre d’expériences, à la fois gustatives et visuelles, ce moment à table met alors tous les sens en éveil. À la Grenouillère, le chef Alexandre Gauthier a imaginé avec l’architecte Patrick Bouchain un dispositif qui embarque les convives dans un formidable voyage émotionnel. Déjà, la cuisine où s’affaire la brigade est entièrement ouverte sur la salle à manger enceinte par la nature environnante. Les tables recouvertes de cuir dialoguent à merveille avec les tabliers des serveurs qui ne sont pas avares en implication dans leur tâche. Au centre de la pièce, une flamme vacille tout au long du repas qui se ponctue par une cuillère de miel extrait du rayonnage d’une ruche. Le repas s’est alors transformé en une formidable scène du vivant.
Comme un rite initiatique au Mirazur, Menton, France
L’arrivée dans un restaurant déclenche toujours un sentiment d’excitation lié à cette joie indicible de s’attabler. Le chef Mauro Colagreco a imaginé l’accueil au Mirazur comme une mise en condition. Plutôt que de franchir la porte, les convives sont invités à descendre dans le jardin pour s’imprégner de l’univers du cuisinier. Là, ils ont la possibilité de s’immerger dans l’un des cinq jardins au travers d’une visite avant de s’attabler. Colagreco se dévoile encore un peu plus, en entraînant les hôtes dans l’envers du décor, là même où l’alchimie de ses plats voit le jour: la nature comme une source d’inspiration.
Saveurs immortelles chez Pujol, Mexico, Mexique
Il y a parfois des plats très simples, presque austères, qui pourtant marquent votre palais à jamais. Un savant mélange de saveurs et d’évocations que le cuisinier parvient à offrir à chacun. Le chef mexicain Enrique Olvera sert maintenant depuis 2400 jours un mole à tous les convives du restaurant Pujol. Au détail près que cette sauce très identitaire de la cuisine mexicaine est devenue un plat à part entière qui cuit depuis le premier jour de son service. Chaque jour, Olvera recompose son Mole Madre à partir de celui de la veille, ajoutant des ingrédients selon la saison et faisant ainsi légèrement varier la recette de ce plat perpétuel. Aussi, seuls les hôtes d’un jour garderont cette saveur bien spécifique en mémoire, comme le témoignage d’un acte culinaire qui leur était directement destiné.
Partager le vin au Borgo San Felice, Castelnuovo Berardenga, Italie
Le vin est un compagnon de table que le sommelier tente de faire s’exprimer de la manière la plus juste qui soit avec la cuisine dégustée. Le dialogue n’en devient alors que plus jubilatoire lorsque les vins sont produits à seulement quelques mètres de votre table et qu’ils prennent le pas sur la cuisine. Au cœur du Chianti, Borgo San Felice possède un vignoble d’exception qui produit notamment un vin unique, le Pugnitello — du nom du cépage — dont les arômes guident le chef Juan Quintero pour l’accorder avec de l’agneau. Surtout, il n’hésite pas à retourner les sens du gourmet avec cette version salée, avec foie gras et fruit sec, du panforte, célèbre dessert toscan, qu’il fait accompagner de vinsanto. Là aussi, ce vin doux produit uniquement en Toscane est d’ordinaire servi en dessert.
Déclarations esthétiques à Gora Kadan, Hakone, Japon
Un restaurant est parfois bien plus qu’un lieu où l’on vient s’attabler. Certaines adresses s’affichent comme des destinations où le temps du repas devient une étape d’un concept d’hospitalité plus global. Depuis des siècles, le Japon a mis en place des codes d’accueil totalement atemporels qui transforment un repas en une expérience sur-mesure. Au ryokan Gôra Kadan, non loin du mont Fuji, votre venue est au cœur de toutes les attentions. Tout au long du séjour, une camériste en kimono traditionnel sera votre obligée, autant pour préparer votre couche sur le tatami que servir le repas de cuisine kaiseki dans le salon de votre chambre. Présentés dans des plats, bols et assiettes d’un raffinement rare, les mets proposés, aux saveurs délicates, deviendront soudain les composants d’une expérience entièrement guidée par un sens inouï de l’esthétique.
Bruncher avec les éléphants à Esiweni Lodge, Ladysmith, Afrique du Sud
Sophie Vaillant et Ludovic Caron, Maîtres de maison français, d’Esiweni lodge, au cœur de la réserve de Nambiti, dans le KwaZulu en Afrique du Sud, nous invitent, au retour du safari matinal, à emprunter de nouveau le 4X4. Quelques minutes de piste, pour déboucher au bord d’une rivière cascadant avec douceur. Surprise ! En aplomb, sous un gros arbre, une table joliment dressée, porcelaine, argenterie, nappe, et un buffet gourmand. Cadre magique dans lequel s’inscrit soudain un troupeau d’éléphants. Pemba, le ranger, œil en alerte, suit leur moindre mouvement, prêt à plier bagage au cas où. Convives inattendus pour un petit-déjeuner mémorable avec, en ultime récompense, les yeux écarquillés et le sourire des enfants.