- Voyage
- Sabine BouvetTaja Harris
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Maui, source de vie
Quand voyager se fait rare et hautement désirable, se rendre à Hawaii est un acte riche de sens. Un voyage d’émerveillement et d’engagement à Maui, île exemplaire en terme climatique, dans l’archipel le plus isolé de la planète.
Quand voyager se fait rare et hautement désirable, se rendre à Hawaii est un acte riche de sens. Un voyage d’émerveillement et d’engagement à Maui, île exemplaire en terme climatique, dans l’archipel le plus isolé de la planète.
Dès l’aube, à l’heure où le Pacifique est encore tiède de sa nuit hawaiienne et le sable presque froid sous les pieds ; on plonge. On plonge dans ses eaux accueillantes, au large de l’Hotel Wailea. La tête sous l’eau, on se retrouve enveloppé par un son archaïque qui monte des profondeurs. Le chant des baleines ! "Elles sont là, à Makena, tout près, à quelques centaines de mètres de la côte." On n’en croit pas ses oreilles ! Alors on pivote sur le dos, la tête immergée et on se laisse flotter, bercé par cette mélodie océanique. Un puissant sound bath que toutes les retraites du monde et autres méditations n’égaleront jamais. Le miracle se renouvelle chaque année à la saison des naissances. Les baleines viennent mettre bas à Maui, mer hospitalière. Elles évoluent tout l’hiver dans cette vaste aire de jeu, leur bébé à leurs côtés avant de repartir vers l’Alaska au printemps. Quel surfeur n’a pas vu derrière la ligne des vagues, la silhouette d’une baleine sauter en majesté ou le jet de son souffle ? Quant au phoque moine natif de Maui, il n’est pas rare d’en croiser un spécimen assoupi sur les plages.
Maui est une immense réserve de vie. À mi-chemin entre la Californie et le Japon, pile au milieu du Pacifique, grande comme les deux tiers de la Corse, l’île abrite 10 climats sur les 14 que possède notre planète. Une rareté absolue ! Une île-monde. On passe d’un des endroits les plus secs de la planète à l’un des plus humides, du désert de lave à la jungle, du trio lagon-plage-cocotiers à l’Haleakalā, le plus gros volcan endormi de la Création (à 3055 m son cratère pourrait contenir Manhattan) tout en traversant des pâturages dignes de la Suisse ou d’immenses étendues d’herbes argentées façon toundra. Près de 50 % des espèces sont endémiques. À elle seule, Maui est un concentré de biodiversité, un cas d’école.
Dans ces conditions, le voyage prend une autre dimension : il éveille les consciences. Le voyageur s’interroge sur son lien à la nature. Aller à Maui c’est devenir témoin privilégié d’une centaine d’écosystèmes différents dont on mesure la puissance autant que la fragilité. Et puis il y a cette part de mystère. Des pans entiers de l’île — vallées enchâssées, montagnes détrempées, cascades tonitruantes — restent inaccessibles à l’homme et fascinent les scientifiques. Avec la contemplation vient la volonté de protéger cette terre nourricière, dont l’équilibre est menacé au même titre que d’autres endroits de la planète. Arrive alors l’action. Quatre figures locales invitent le voyageur à devenir acteur du changement et responsable.
À commencer par Eddy Garcia, personnage charismatique et inclassable. Surfeur pionnier de Jaws (la plus grosse vague au monde avec Nazaré), savant fou (auteur d’une solution pour transformer les planches de surf et le polystyrène en général en compost grâce à des vers qui s’en nourrissent), il est aussi ami et conseiller en agriculture d’Yvon Chouinard, le créateur de Patagonia. Eddy a rendu ses lettres de noblesse à Maliko Gulch (maliko signifie « fleurir » en hawaiien), une vallée fertile et sacrée pour les Anciens, déchue en décharge. Pratiquant avec ferveur l’agroforesterie et l’agriculture régénératrice, il a nettoyé cette terre, déblayé la rivière obstruée par les déchets (voitures abandonnées, carcasses d’avion…) pour lui redonner son cours. Aujourd’hui Maliko est une vallée des merveilles. Eddy y organise des dîners farm-to-table sous les étoiles, des workshops de recyclage, compost, agriculture etc. Autant d’initiatives pédagogiques et inspirantes.
Campbell Farrell de son côté avec sa fondation Love the Sea a une mission : débarrasser le littoral du plastique (issu de la pêche commerciale) qui vient s’y échouer. Épaulé par une armée de volontaires, il lance des journées de nettoyage. Filets de pêche, bouées et autres résidus sont collectés sur les plages ou arrachés à des portions de côte accessibles seulement par la mer. Communauté locale et touristes unissent leurs forces dans ces opérations commando.
Beth Elliott quant à elle collecte pour Petals with a purpose, des centaines de kilos de fleurs issus des mariages. Car Maui est l’une des premières destinations mariage avec à la clé un immense gâchis de végétaux dont l’espérance de vie se limite à une journée. Beth convertit l’éphémère en durable. Elle démonte les décors surdimensionnés, incite les fleuristes à utiliser des matières biodégradables ou réutilisables et non pas toxiques, puis elle redistribue les fleurs à des hôpitaux, maisons de retraite ou les transforme en compost.
À l’Hôtel Wailea, la talentueuse Krista Garcia est l’auteure de dîners d’exception. Une cuisine d’excellence à déguster dans une treehouse avec le Pacifique en ligne de mire. Un repas en tête à tête, sur-mesure, réalisé sous les yeux des convives façon Chef’s Table. La cheffe californienne laisse libre cours à son talent et son intuition, pour proposer une expérience culinaire locavore. Elle travaille des produits insulaires en fine connaisseuse, et cultive son propre potager chez elle à Haiku, sur la côte nord. Du bananier, elle cueille la fleur et la coupe en julienne. Elle cisèle les fleurs de gingembre, parsème de limu (algue) et de perles de citron caviar ou monte une sauce au lilikoi (fruit de la passion). Sa cuisine est une déclaration d’amour à la terre hawaiienne.