Publié le 27/01/2025

Des jardins qui restaurent l'âme et le corps

Des jardins qui restaurent l'âme et le corps

© Oliver Smith 

Qu’ils soient laissés à l’état sauvage ou parfaitement entretenus, les potagers de ces propriétés britanniques présentent chacun une approche différente de la culture horticole. Avec ces points communs, représentatifs de l’Association : ils inspirent, apaisent et nourrissent – dans tous les sens du terme – les jardiniers, les chefs et leurs hôtes.

GIDLEIGH PARK, Chagford, Royaume-Uni

AVEC 40 HECTARES DE PÂTURAGES ET DE FORÊTS ANCIENNES
ponctuées ici et là de sapins de Douglas, l’hôtel Gidleigh Park se déploie au sein d’un paysage rural typique du sud-ouest de l’Angleterre, dans le Devon. À flanc de colline, ce manoir des années 1920 de style Tudor offre des vues panoramiques sur le parc national du Dartmoor – de vastes landes vallonnées tapissées de bruyère, des poneys sauvages et quelques-uns des plus beaux sentiers bucoliques du Royaume- Uni. Cette aire protégée traduit une philosophie simple : respecter la nature. On la remarque à la façon dont le jardin épouse les contours du terrain. La pelouse en terrasses adoucit la descente jusqu’au bas de la colline où la rivière North Teign jaillit devant le green de golf, le terrain de croquet et le bosquet de jacinthes des bois. D’un côté, le jardin d’eau de l’époque victorienne est presque caché par le dense feuillage des fougères ; de l’autre, le jardin potager en amphithéâtre déborde de fenouil et de courges à maturité. Il n’y a rien d’exotique ici, et pour une bonne raison : « Nous sommes sur l’un des points les plus élevés du Dartmoor, le climat est difficile pour de nombreuses espèces », explique Andrew Brimblecombe, le directeur de la propriété. Tout ce qui est cultivé sur place se retrouve dans les cuisines du restaurant, aux côtés d’ingrédients cueillis dans les bois ou sourcés auprès de producteurs locaux. « Il s’agit avant tout de travailler avec la nature », affirme le chef Chris Eden, qui voit le jardin comme une inépuisable source d’inspiration. « Je m’y rends après le déjeuner et soudain, mon imagination s’emballe : “Comment utiliser cet ingrédient ? Comment le sublimer dans un plat ?” ». Le résultat ? Une étoile au Guide Michelin pour un restaurant « locaphile », qui met au menu l’agneau aux feuilles de capucines du jardin ou la salade de tomates issues de la serre.


Gidleigh Park Chagford, Royaume-Uni © Oliver Smith 

GRAVETYE MANOR, West Hoathly, Royaume-Uni

Le jardin floral
Un dédale de chemins étroits et boisés mène à Gravetye Manor, dans le West Sussex, à 58 kilomètres au sud de Londres. Cet édifice en grès couleur miel, construit au XVIIe siècle sous le règne de Jacques Ier, se cache en pleine verdure. L’arrière du manoir dissimule un impeccable jardin de campagne anglais, avec une pelouse tondue au millimètre entourée de parterres de graminées et de fleurs, séparés en quartiers par des allées de gravier. À sa droite, une volée de marches mène à un arboretum s’ouvrant sur un immense jardin potager aux senteurs de lavande. À sa gauche, des hectares de prairies, de lacs et de bois. Ce tableau bucolique a été imaginé par le jardinier et écrivain irlandais William Robinson, au XIXe siècle. Pionnier de sa génération, il a rejeté le concept du jardin à la française en faveur d’une culture plus naturelle. Sa vision : sublimer la beauté du paysage plutôt que de laisser la nature reprendre ses droits. Cette mission ardue revient désormais au chef jardinier Tom Coward. « Nous voulions un jardin qui ne soit ni intimidant ni écrasant, un jardin agréable qui puisse inspirer tout le monde », raconte-t-il. La magie prend vie dans le restaurant couronné d’une étoile au Guide Michelin et installé dans une extension moderne cernée de baies vitrées qui plonge les clients en pleine nature. « Cela donne l’impression que le jardin est sur une scène, décrit le chef George Blogg. Mon rôle consiste à imaginer des plats qui lui correspondent. » Le menu en trois services inclut donc de nombreux produits fraîchement cueillis dans le potager – les courgettes et tomates qui entrent dans la composition de la salade du jardin ou les groseilles acidulées du crumble soufflé. Le chef fait aussi la part belle aux fleurs comestibles, comme un écho au paysage. Des assiettes « surprises » hors menu sont servies entre chaque plat afin de faire découvrir les saveurs fugaces capturées par cette pratique de la cueillette instantanée. Comme l’explique Tom Coward, il s’agit de découvrir « des saveurs du jardin qu’on ne retrouve nulle part ailleurs ».


Gravetye Manor West Hoathly, Royaume-Uni © Oliver Smith 

GLENAPP CASTLE, Ballantrae, Royaume-Uni

Le jardin exotique
À Glenapp Castle, domaine tentaculaire situé dans le comté écossais de l’Ayrshire, les jours sont longs et les températures étonnamment douces pour le pays. Ce n’est pas un hasard si cette propriété a été construite précisément à cette latitude. « Les terres étaient presque arides lorsque le cinquième comte des Orcades les a acquises », explique Annmaree Mitchell, la consultante horticole de Glenapp. « Il a lancé un programme de plantation d’arbres, de 1830 à 1850. Le résultat a produit un microclimat très agréable qui nous permet aujourd’hui de cultiver certaines plantes exotiques. » Le château en lui-même n’a été érigé qu’en 1870, lorsque l’industriel James Hunter a chargé l’architecte David Bryce de lui construire un domaine baronnial écossais assorti de créneaux et de tourelles. La plupart des chambres donnent sur la forêt et la mer. On peut y apercevoir l’île rocheuse d’Ailsa Craig, qui abrite un phare et un sanctuaire ornithologique unique dans la vaste étendue d’eau que constitue Firth of Clyde. Quant aux jardins à l’italienne créés par la célèbre paysagiste Gertrude Jekyll, ils ont été cultivés plus tard encore, lorsque la famille Stock a racheté la propriété, en 1901. « May Stock était une jardinière passionnée. C’est elle qui a chargé Gertrude Jekyll de concevoir les jardins. En revanche, l’étang aux azalées a été créé par son mari », explique Annmaree Mitchell. Aujourd’hui, le jardin potager est devenu l’attraction principale du lieu grâce à The Azalea, le restaurant et espace événementiel installé dans une ancienne serre victorienne restaurée avec son bothy (petit cottage traditionnel écossais en pierre). Dans ce lieu lumineux, les convives prennent place, sur des banquettes confortables, sous une vigne centenaire noueuse qui donne encore des fruits. À l’extérieur, entre les parterres d’herbes ornementales et de chardons, de grandes jardinières débordant de crucifères et de framboisiers alimentent le restaurant. Plus loin, un grand jardin d’herbes aromatiques offre différentes variétés de menthe et de thym. La serre, à l’arrière, est le laboratoire expérimental du jardinier Mark Hoad, pour la culture d’espèces exotiques telles que le chou-rave ou encore la pastèque. Selon le chef exécutif Peter Howarth, cette remarquable diversité est « un terrain de jeu pour tout cuisinier. Le jardin dicte le menu et nous imaginons nos plats en fonction de ce que nous y trouvons. » Si les pastèques ne sont pas encore prêtes à être servies, le chou-rave figure déjà à la carte en entrée, aux côtés de la betterave du jardin. Les bienfaits de ces jardins ne sont pas que culinaires. « Les clients se détendent dès leur arrivée et je pense que le cadre y est pour beaucoup, affirme la directrice générale, Jill Chalmers. Ils laissent le stress du quotidien derrière eux. Cela a un impact à la fois sur le bien-être du corps et sur celui de l’esprit. »


Glenapp Castle Ballantrae, Royaume-Uni © Oliver Smith 

LONGUEVILLE MANOR, St Saviour, Royaume-Uni

Le jardin insulaire
Sur l’île de Jersey, on accède au paisible Longueville Manor par une route côtière sinueuse. Le hall de cette propriété, qui fut une résidence privée durant plusieurs siècles, donne sur un immense parc où une piscine chauffée côtoie un étang bordé de roseaux dans lequel s’ébattent des canards. De petits sentiers mènent à la pelouse et au verger avant de disparaître dans les bois, tandis que d’autres serpentent en direction du potager. Bien soignées, les allées de gravier facilitent le déplacement entre les rangées de betteraves et de choux couleur rubis que les tournesols et les capucines viennent ponctuer de jaune. La serre victorienne restaurée abrite des citronniers, des plants de piment et le plus parfumé des basilics. Une véritable « mine d’or » pour le chef Andrew Baird, qui estime être devenu un meilleur cuisinier grâce au jardin. « Les connaissances que l’on acquiert au potager sont incomparables. On apprend à reconnaître les aliments arrivés à parfaite maturité et comment un été sec ou humide peut influer sur leur qualité. » Entre autres espèces exotiques, le chef jardinier David Lewis fait pousser du pak-choï (chou chinois) et des artichauts, mais les stars du potager sont incontestablement les Jersey Royals Potatoes. Fertilisées avec des algues, ces petites pommes de terre primeurs légèrement salées font une brève apparition au printemps et, comme leur nom l’indique, elles sont uniquement cultivées sur l’île de Jersey.


Longueville Manor St Saviour, Jersey, Royaume-Uni © Anne-Claire Héraud

THE BATH PRIORY, Bath, Royaume-Uni

Le jardin urbain
À seulement 20 minutes de marche du centre historique de Bath, les jardins du Bath Priory isolent idéalement de l’agitation de la ville toute proche. Avec 1,6 hectare de superficie, la propriété n’est pas assez vaste pour abriter une forêt, mais la prairie qui entoure l’immense cèdre du Liban évoque encore une nature sauvage et indomptée. « Les gens viennent ici pour le jardin, je tenais vraiment à ce qu’ils puissent s’y asseoir, l’apprécier et se l’approprier », raconte l’ancienne cheffe jardinière Jane Moore, qui a joué un rôle déterminant dans leur aménagement. Le terrain de croquet et le jardin à la française sont visibles depuis les chambres. Des surprises attendent le visiteur, à l’instar du mûrier penché au-dessus d’un banc et de la sculpture nichée dans une rangée de haies semi-circulaire. Le petit jardin potager caché derrière les buissons est planté de violettes et de calendula qui attirent les insectes pollinisateurs, au milieu des pêchers et des cognassiers. « Ce potager étant à la fois ornemental et fonctionnel, nous essayons d’y cultiver des espèces savoureuses et intéressantes », explique le chef Jauca Catalin. Pour lui, le travail du potager est une seconde nature, qui lui rappelle son enfance en Roumanie. Ses grandsparents y cultivaient leurs propres fruits et légumes. Ce jardin est à la fois une source d’ingrédients et d’inspiration, à l’image des associations proposées à la carte, telles que la blette arc-en-ciel sauce gaspacho servie avec du turbot. Les clients raffolent également du potager : ils arpentent ses allées, essayant de deviner ce qu’ils trouveront au menu du jour et peuvent même y croiser le chef en pleine cueillette… et en pleine création.


The Bath Priory Bath, Royaume-Uni © Oliver Smith 

 

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