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Danemark : La mer en héritage
Au Danemark, ce pays aux centaines d’îles, aucun lieu ne se trouve à plus d’une heure de route de la mer. Inspiré par des côtes escarpées et un passé de conquêtes maritimes, l’itinéraire est captivant, truffé d’expériences authentiques et de trésors cachés.
Au Danemark, ce pays aux centaines d’îles, aucun lieu ne se trouve à plus d’une heure de route de la mer. Inspiré par des côtes escarpées et un passé de conquêtes maritimes, l’itinéraire est captivant, truffé d’expériences authentiques et de trésors cachés.
LE DANEMARK A TOUJOURS EU LE REGARD TOURNÉ VERS LA MER.Cette nation de plus de 400 îles est le berceau de La Petite Sirène et celui des Vikings. C’est, depuis plus de 1 000 ans, un pays d’audacieux commerçants et de courageux aventuriers. Jusqu’à une date relativement récente, les îles étaient reliées entre elles par des ferries plutôt que par des ponts. L’eau n’a jamais été considérée comme un obstacle ou une frontière : elle était, au contraire, une voie de découverte. L’une des 146 Routes du Bonheur de Relais & Châteaux – autant d’itinéraires pour s’immerger au plus près des cultures d’un territoire et de paysages spectaculaires – permet de le constater. À la clé, un périple de sept nuits et des étapes distillées dans cinq hôtels et restaurants de caractère.
La renommée actuelle de la gastronomie, de l’architecture et du design danois remonte à ces routes maritimes, aux récits des voyageurs qui en sont revenus, forts de nouvelles idées, pour les intégrer à leur patrimoine culturel et culinaire. Ce fut le cas du couple propriétaire du restaurant Kong Hans Kælder, une première halte à Copenhague. Inspiré par la cuisine d’une autre ville balnéaire, Biarritz, sur la côte Atlantique française, ce couple interprète la gastronomie hexagonale au Danemark.
© Line Klein
Installé au bord d’une grande place, parmi les maisons colorées et les lumières scintillantes du port de Nyhavn, qui accueillait autrefois des marins en goguette et constitue aujourd’hui le cœur du tourisme de la ville, Kong Hans Kælder a vite décroché la première étoile Michelin du Danemark. Depuis 2021, c’est l’un des huit restaurants du pays à en détenir deux. « Nous sommes célèbres pour notre minimalisme nordique », explique Mark Lundgaard, chef cuisinier. « Je suis partisan du “less is more”, donc j’essaie de rester dans la sobriété et de toujours mettre l’accent sur les produits.» Une pure expression de l’esprit danois : le minimalisme est un bon point de départ pour définir la cuisine du pays, surtout si l’on a d’excellents produits sous la main. Justement, le Danemark, avec ses paysages agricoles et son passé de pêche, n’est pas en reste en la matière.
Le menu signature en six plats du chef Lundgaard comprend des asperges vertes tout juste récoltées dans les champs de Fyn, servies avec une sauce au citron safranée, ainsi qu’un plat de langoustines locales, de tomates et une bisque dont les divines saveurs restent longtemps en bouche.
© Line Klein
Une heure de route à travers les douces collines et les paysages verdoyants de Seeland, la plus grande île du Danemark, mène vers la deuxième étape, Dragsholm Slot, à Hørve : un château-hôtel vieux de 800 ans, avec vue sur la mer de Kattegat et sur l’histoire danoise. Cette ancienne résidence royale abrite aujourd’hui des chambres modernes et empreintes du passé. Elle propose également une série d’expériences gastronomiques, notamment dans un restaurant étoilé et un bistrot servant des produits locaux à déguster en terrasse.
Depuis la colline où se dresse la propriété s’étendent des champs de carottes et de légumes verts, des forêts dissimulent des cochons vivant en troupeaux tandis qu’un carré d’herbes donne un air aristocratique au lieu. Le paysage recèle un secret : aujourd’hui classé premier Géoparc mondial par l’UNESCO, il était autrefois situé sous le niveau de la mer. Ce n’est qu’à la fin des années 1800 qu’il a été asséché pour devenir une terre arable. Le sol fertile est parsemé de coquillages vieux de plusieurs siècles, créant un terroir singulier que l’on ne trouve que dans cette partie du Danemark. « Notre cuisine s’appuie sur un concept d’approvisionnement local », explique Peter Fagerland, responsable de la gastronomie du château. « Le sol possède une minéralité particulière, très propice aux légumes et maintenant à la vigne. Nous nous intéressons également aux histoires d’antan : comment faire revivre les traditions en les modernisant ? ». Par exemple, en pratiquant la chasse aux faisans, cerfs sauvages et canards pour servir des viandes de saison. Le reste de l’assiette est constitué de légumes, poissons et crustacés.
© Line Klein
Par une journée sans vent, une vaste étendue d’eau bleue est traversée par le pont le plus long du Danemark. Il rejoint l’île de Fyn. Le restaurant Lieffroy se trouve entre forêt et plage, proposant une atmosphère particulière, pour les hôtes comme pour les chefs. Le trésor du jour est intangible : il s’agit du hygge. Ce mot intraduisible, le plus célèbre de la langue danoise, est ancré dans la conscience de ses habitants. Sans équivalent en français, il évoque une sensation de confort, de bien-être, le bonheur des petites choses de la vie, la quête inlassable d’un sentiment de satisfaction.
« C’est l’emplacement qui m’a convaincu », explique le propriétaire et chef cuisinier Patrick Lieffroy, qui vit dans la propriété avec sa famille et travaille en cuisine aux côtés de son père.
« Nous sommes situés en bord de mer. Nous en tirons notre force, jusque dans notre concept. Nous achetons beaucoup de poissons et de crustacés dans les environs, surtout du homard, de la langoustine et du cabillaud. » Boire une coupe de champagne sur la terrasse, bercé par le ressac tandis que les bulles éclatent sur la langue : l’instant est suspendu, en adéquation avec le lieu.
© Line Klein
De l’autre côté de l’île, au-delà de la forêt, une charmante route de campagne mène jusqu’à Falsled Kro. Cet ancien relais de poste est très apprécié au Danemark pour son extraordinaire mélange d’hospitalité et de patrimoine. En sortant de la forêt, apparaît un charmant hameau de maisons à colombages, serti de pommeraies et de cerisiers en fleurs. Le chef Simon Juel Petersen a trouvé son bonheur dans ce terroir riche en saveurs. « Nous utilisons beaucoup de produits du jardin et de la mer et j’arrive toujours à les travailler comme je le souhaite », explique-t-il. Mais composer la carte de l’une des auberges traditionnelles les plus renommées du Danemark implique un certain niveau d’exigence. « J’ai tendance à cuisiner des produits familiers. Turbot, pigeon, lotte ou ce qui se trouve sur le pas de ma porte, ou presque ! J’ai beaucoup de chance : les lapins sont au bout de la rue, les œufs viennent du coin et les produits laitiers de la région. » Le dîner se conclut par un dessert d’été typiquement danois (rhubarbe aigre-douce et chocolat blanc) et la soirée se termine au coin du feu, dans le salon aux poutres apparentes.
© Line Klein
Au-delà de Fyn et au sud du Jutland, non loin de la frontière avec l’Allemagne, le Dyvig Badehotel se dévoile en traversant un couloir d’arbres, au bord du fjord Als. Ses saisissants toits rouges, clin d’œil à la Norvège et signature de l’architecte qui a construit la propriété en 2010, sont dissimulés dans le paysage pour qui arrive en voiture, mais agissent comme un phare quand on vient de la mer. À l’origine, le propriétaire, Hans Michael Jepsen, avait acheté une auberge à cet endroit, entre champs et fjord. En 2010, il l’a fait reconstruire pour créer son hôtel de bord de mer idéal limandes-soles. : un lieu décoré d’œuvres d’art, au faste discret, avec une généreuse cave à vins et une atmosphère qui invite à lâcher prise.
Les chambres lumineuses offrent une vue apaisante sur le fjord Als, tandis que le grand salon de thé, au rez-de-chaussée, perpétue une coutume du Jutland méridional : l’irrésistible table à gâteaux. Cette tradition remonte à la fin des années 1800. La région était alors sous domination allemande. Pour défendre leur identité, les Danois avaient pris l’habitude de se réunir dans les centres communautaires, officiellement pour partager des gâteaux. À chaque fois, la table se couvrait de pâtisseries. La région est repassée sous égide danoise, mais la tradition est restée, fermement ancrée dans l’esprit de la population.
Au Dyvig Badehotel, on peut s’attabler à la brasserie Skipperstuen ou au restaurant gastronomique Amstrup & Vigen. Tous deux servent de nombreux produits de la mer (homard, langoustine, turbot, limande-sole...). Le plat emblématique de la brasserie Skipperstuen, le stjerneskud (étoile filante), est sans doute la meilleure introduction à la cuisine danoise de bord de mer : copieuse et réconfortante, l’assiette accueille des filets de sole rouge, frits et cuits à la vapeur, servis sur du pain, avec des crevettes suédoises et une salade légère en accompagnement. Tout cela s’inscrit dans la philosophie du chef Christian Boisen, qui souhaite avant tout créer une expérience dans laquelle le plat fait écho à la vue spectaculaire du lieu.
Depuis la large fenêtre de ce restaurant gastronomique aux murs bleu ciel, on aperçoit le fjord et, non loin, les champs où la cuisine s’approvisionne en pommes de terre nouvelles. Si la vie en bord de mer procure du poisson frais et offre le bercement ininterrompu des vagues, elle réserve aussi son lot de surprises. Qui sait ce qui s’échouera sur le rivage à la prochaine marée ? En ce jour de brouillard, la mer et le ciel semblent se confondre et les bateaux flotter dans les airs. Sur le chemin du retour, à travers des collines ondoyantes, émergent des plages de sable immaculé. Les routes ensoleillées mènent aux quartiers résidentiels et, plus loin encore, aux tours anciennes et modernes de Copenhague. Partout, l’eau du port se déploie en boucle, tel un ruban, comme un fil bleu qui relie les éléments et les hommes.