- Cuisine
- François Simon
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Christopher Coutanceau,
entre cadences et accélérations
Le cuisinier-pêcheur de La Rochelle Christopher Coutanceau, nouvel ami de la Manufacture de Haute Horlogerie Blancpain, s’interrompt un instant pour évoquer son rapport au temps. Du coup de feu en cuisine au futur des océans à travers ses engagements, il est toujours question d’urgence.
Le cuisinier-pêcheur de La Rochelle Christopher Coutanceau, nouvel ami de la Manufacture de Haute Horlogerie Blancpain, s’interrompt un instant pour évoquer son rapport au temps. Du coup de feu en cuisine au futur des océans à travers ses engagements, il est toujours question d’urgence.
Tout à l’actualité de son dernier livre, « les Saisons de l’Océan », aux éditions du Lizay, le chef triplement étoilé de la Rochelle ne relâche pas ses engagements pour Ré Nature Environnement (combat contre l’élimination des dauphins pris dans les filets de pêche) et Bloom (combat contre la pêche électrique). Cette année, un nouveau rôle vient renforcer cette démarche alliant la dimension artisanale et la protection des océans : Christopher Coutanceau rejoint le cercle des amis de la célèbre marque horlogère Blancpain. Raison de plus pour l’interroger sur son rapport au temps, le cœur de son quotidien…
Quelle est la temporalité de votre cuisine, est-ce une cuisine spontanée, qui mijote, qui attend ?
Je la penserais plutôt en termes de journée. C’est au moment de la criée vers 6 h 30 que se décide le travail du jour. Ensuite, le temps est compté : préparer la mise en place, nettoyer les poissons, déjeuner avec l’équipe à 11 h 30. À 11 h 55, être sur le pont et ensuite suivre d’autres rythmes, ceux des clients en réverbération avec les différents types de cuisson : à la broche, à basse température, en beurre mousseux, à la plancha… En fait, un chef passe son temps à passer d’une temporalité à l’autre : le coup de feu, la maturation, la fermentation… avec en point de mire, le moment du service à table d’un plat qui part sous cloche avec comme mission : ne pas trahir l’appoint de cuisson. Disons que celui-ci ne dure que trois-quatre minutes…
Quel est votre rapport au temps en cuisine ? Avez-vous besoin de cadence, d’accélération ou de travailler à votre rythme ?
Il faut jouer de la cadence et toujours être prêt à l’accélération. Il y a ainsi des tables d’hommes d’affaires qui souhaitent être repartis à 14 h 15 après une dégustation de sept plats. D’autres tables sont venues pour savourer l’instant présent, regarder l’océan, savourer chaque bouchée. Ils ont le temps. C’est un moment de rêve qu’il faut savoir espacer en laissant 20-25 minutes entre chaque plat. À chaque repas nous devons ainsi gérer dans le temps 40-45 couverts avec une dizaine de séquences…
Lorsque vous ne faites rien, que faites-vous ?
C’est tout trouvé : je vais à la pêche, je profite de ma famille. Lorsque je pêche, je ne suis pas un contemplatif travaillant au bouchon à l’ancienne. Là encore, la notion du temps est primordiale. Je pêche au leurre, le maigre, le bar. Ici encore, les horaires sont fondamentaux : tel spot fonctionne pendant les deux premières heures de marée remontante, il faut donc avoir l’œil sur le cadran. Pareil lorsque l’on pêche avec un leurre souple à tête plombée, il s’agit de bien calculer : un mètre par seconde, on regarde la montre et là, on sait lorsque s’approche le fond…
Cela vous intéresserait de remonter dans le temps, ou alors de le devancer ?
Le remonter ! Je prendrais sans hésiter les années 70-80. Il était alors encore temps de sauver mes passions. J’ai connu ainsi le marché aux poissons avec mon grand-père. Nous y allions en Méhari. J’étais impressionné par les quantités énormes de poissons. C’était une abondance que nous n’avons jamais plus connue à tel point que les anciens revenaient avec des poubelles entières de poissons pour donner dans le quartier ! Maintenant, je me bats pour remettre les choses en place, comme arrêter le massacre des dauphins. On en compte 10 000 exterminés chaque année, 130 000 capturés accidentellement dans les filets de pêche depuis 30 ans… Heureusement, les nouvelles générations pêchent différemment. Elles le font pour le plaisir et remettent à l’eau le poisson lorsqu’il le faut.
Êtes-vous toujours à l’heure ou cultivez-vous la dimension du retard ?
Je suis toujours un petit peu en avance, c’est une déformation professionnelle. C’est tout simplement du respect même si ici, il faut compter sur le quart d’heure charentais. Mais en cuisine, on ne peut pas travailler de la sorte. La cuisson est reine : s’il faut attendre, c’est trop cuit, c’est fini !
Quelle a été votre réaction quand vous avez été contacté par Blancpain pour rejoindre le cercle des amis de la marque ? Qu’est-ce que la marque vous évoque ? Quelles sont vos valeurs communes ?
Nous sommes tout simplement en phase dans nos engagements respectifs : la protection des océans, la précision et le temps. Je me retrouve totalement dans la dimension artisanale d’une montre comme la Fifty Fathoms. Chaque petite pièce a son importance. Elles sont bichonnées, lustrées à la gentiane après des heures de travail millimétré. C’est cohérent. C’est aussi une aventure humaine, des liens forts avec Arnaud Blandin, brand manager de Blancpain France notamment. Travailler ensemble a un sens : la maison Blancpain et la maison Coutanceau partagent ces mêmes valeurs.
Arrivez-vous à suspendre le temps ?
J’aimerais tant ! Même à la pêche, je suis toujours dans le speed. Je veux faire mieux, j’y vais vite fait, on court sans cesse : je pense être formaté ainsi !