Publié le 02/10/2023

La saison, source d’inspiration fromagère

Hervé Mons, à la fois fromager et affineur, a toujours respecté les saisons dans son métier. Alors que l’édition 2023 de Food for Change se penche sur le sujet, ce passionné, premier soutien de Slow Food, livre ses convictions sur l’avenir des bonnes pâtes depuis sa fromagerie, dans la Loire.

La saison, source d’inspiration fromagère

© Erick Bonnier

Hervé Mons, à la fois fromager et affineur, a toujours respecté les saisons dans son métier. Alors que l’édition 2023 de Food for Change se penche sur le sujet, ce passionné, premier soutien de Slow Food, livre ses convictions sur l’avenir des bonnes pâtes depuis sa fromagerie, dans la Loire.

Quel a été votre parcours ?


Hervé Mons : J’ai fait mon apprentissage à l’École nationale de l’industrie laitière (ENIL) et un tour de France pendant quatre ans, entre fermes et crémeries. C’est mon ami d’enfance, Michel Troisgros, propriétaire et chef de Troisgros, hôtel et restaurant trois-étoiles au Guide Michelin à Roanne et membre Relais & Châteaux, qui m’a permis de rencontrer certains grands chefs de la gastronomie mondiale. En 2000, j’ai reçu le titre de Meilleur Ouvrier de France et, en 2008, avec mon frère Laurent, nous avons transformé un ancien tunnel ferroviaire long de 180 mètres en cave d’affinage. Depuis, nous avons ouvert notre propre laiterie, racheté des troupeaux de vaches autochtones dont la race allait disparaître mais dont nous aimions beaucoup le lait, et avons créé notre petite fromagerie artisanale des Hautes-Chaumes, où nous produisons la Fourme de Montbrison AOP. 


Hervé et Laurent Mons - © Mario Delgado


Comme la Fourme de Montbrison, un fromage dépend avant tout de son terroir ?  


HM : Le terroir dépend à la fois du sol et du ciel. Il dépend de l’altitude, de la pluviométrie, des températures, des orientations et de l’ensoleillement. On se retrouve à avoir presque les mêmes réflexions que nos amis vignerons. Je ne dirais pas que nous sommes sur du parcellaire… mais presque ! Tout dépend donc du fermier et de là où il va conduire son troupeau en fonction de l’ensoleillement, de l’herbage. C'est particulièrement vrai pour les troupeaux de petits ruminants. Chaque jour, en fonction de là où les bêtes ont brouté, nous recevons un lait différent. 


© Studio d'URFE


Qu’est-ce que la saisonnalité des fromages ? 


HM : Le premier ingrédient pour faire du fromage, c’est l’herbe qui pousse dans les prés. Et l’on remarque une tendance à revenir sur des cycles naturels, à des périodes de lactation telles qu’elles étaient pratiquées autrefois avec une abondance de lait au printemps et à la sortie des naissances (contrairement aux industriels qui privilégient une politique d’insémination et de production de lait toute l’année). Quand on travaille dans les saisonnalités, on s’accorde au climat et au monde agricole. Nous devons être transparents avec nos clients et expliquer la raison pour laquelle ils ne vont pas avoir nos fromages. 2023 est une bonne année, nous allons probablement avoir d’excellents foins : il y a eu de la pluie et du soleil au bon moment, les foins sont déjà rentrés. Nous aurons donc certainement du très bon lait en automne et en début de saison suivante. 


© Mario Delgado


Quel est le processus de fabrication d’un fromage ? 


HM : Il y a deux temps dans la vie du fromage : celui entre le lait et le caillé ; puis celui entre le caillé et le fromage. Le premier appartient au producteur, le second est le domaine de l’affineur. C’est à ce moment précis que se développe la texture, les arômes, le croûtage. Mais pour être vraiment performant, il faut que l’affineur comprenne au mieux les deux temps en question. 


© Erick Bonnier


Qu’est-ce qui définit un bon affinage ? 


HM : Affiner un fromage, c’est l’élever. Ici, tout importe : l’eau, l’air, la température. Selon les typicités des terroirs, les fromages sont donc posés sur de la paille, du bois, de la pierre ou de la terre. Ils restent quelques jours ou plusieurs mois en cave. Tournés, brossés, auscultés. C’est un monde qui vit sur un fil, une matière vivante qu’un grain de sable (ou de sel) peut mettre en péril. L’écrin doit donc être irréprochable. 


© Mario Delgado


L’amateur de fromages doit-il toujours privilégier ceux au lait cru ? 


HM : Mon seul conseil est de demander à goûter les fromages avant de les acheter. Il ne faut jamais acheter à l’œil parce qu’il n’y a rien de plus sournois que le fromage. Ce ne sont souvent pas les plus beaux qui sont les meilleurs ! Il faut s’amuser à goûter. Alors, il peut y avoir plus de typicités avec les fromages au lait cru mais pour autant, la gamme des pasteurisés et des thermisés existe et un bon fromage thermisé sera toujours meilleur qu’un fromage au lait cru moyen.

 
© Mario Delgado


Avez-vous constaté une évolution dans notre consommation de fromage ?  


HM : Ces dernières années, le fromage a peut-être été un peu abandonné en restauration. Les chefs privilégiaient la créativité et délaissaient un peu le fromage qui est un produit qu’ils ne transforment pas. Mais j’ai le sentiment que le plateau de fromages revient un peu à l’honneur aujourd’hui. Il y a à nouveau une demande du client qui aime et veut s’offrir des produits qu’il ne trouve pas forcément au quotidien. 


© Mario Delgado

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