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Annie Féolde, vingt sur vins
Avec son mari sommelier, la cheffe d’origine française a fait de l’Enoteca Pinchiorri à Florence l’une des adresses les plus prisées du Michelin. Et exporte désormais ses recettes au Japon.
Avec son mari sommelier, la cheffe d’origine française a fait de l’Enoteca Pinchiorri à Florence l’une des adresses les plus prisées du Michelin. Et exporte désormais ses recettes au Japon.
Qu’ils font saliver ces raviolis aux blettes qui brillent sur une mousse au hareng immaculée, le tout surmonté de grains de caviar... La photo sobre et esthétique est sur le fil Instagram de l’Enoteca Pinchiorri, table la plus capée de Florence avec trois astres au guide Michelin obtenus en 1992 par la cheffe Annie Féolde. Une première pour une femme en Italie. L’itinéraire de la septuagénaire — reconnaissable entre toutes à sa chevelure bicolore ondulée — s’est pourtant d’abord écrit loin de ce palais du XVIe siècle, du côté de Nice dont elle est originaire. Employée à La Poste — on parlait encore à l’époque des PTT — Annie Féolde s’ennuie et s’envole comme fille au pair à Londres puis à Florence où la famille censée l’accueillir n’a finalement plus besoin d’elle. La malchance ne durera pas longtemps : devenue serveuse, elle fait la connaissance de Giorgio Pinchiorri, séduisant sommelier dont elle s’éprend. Adieu la Côte d’Azur, bonjour la Toscane et l’Enoteca Nazionale où travaille Giorgio. Ce dernier y sert des vins au verre, une nouveauté à l’époque, pendant qu’Annie prépare des quiches lorraines très appréciées et un buffet de charcuteries et fromages pour accompagner les bouteilles. En 2004, Annie Féolde confiait au Parisien que c’est la future ministre Simone Veil qui fut à l’origine du changement de régime du restaurant. « Un jour, elle est entrée (…) et a refusé de déjeuner car notre carte ne comportait aucun plat local. Vexée, j’ai décidé de tout apprendre ». L’autodidacte s’immerge dans la cuisine de son pays d’adoption et s’essaie à ses propres réalisations soignées au travers de la lecture de livres phares comme celui d’Anna Gosetti della Salda, Le ricette regionali italiane, qui codifie à sa manière le répertoire culinaire transalpin.
Une première étoile Michelin vient récompenser au début des années 1980 le travail d’Annie Féolde dans l’établissement rebaptisé Enoteca Pinchiorri. En 1992, c’est la consécration : trois étoiles. Bien sûr, on vient pour les assiettes « néo-classiques, précieuses et précises », telles que les a décrites l’influent critique gastronomique François-Régis Gaudry. Néanmoins, on se déplace ici au moins autant pour la cave d’exception bâtie en un demi-siècle. 4 000 références et plus de 100 000 bouteilles dont des pluies de romanée conti, pétrus, sassicaia, solaia… Quand il est question de l’Enoteca Pinchiorri, la presse aime parler de duo, et pour cause : si la cuisine était au départ au service du vin, c’est un dialogue permanent qui s’est rapidement instauré entre les deux parties. Une manière de faire qui rappelle le chef français Alain Senderens, aujourd’hui disparu, qui affolait son comptable lorsqu’il débouchait des grands crus uniquement pour tester des accords entre mets et vins. La réputation des étiquettes italiennes n’est plus à faire mais cela n’a pas toujours été le cas. À leurs débuts, Annie Féolde et Giorgio Pinchiorri envoient des vins locaux aux grands chefs français, les Troisgros, Bocuse et Chapel notamment, avec qui ils se sont liés d’amitié. Certains ne répondent pas, d’autres expliquent qu’ils n’arrivent pas les vendre à leurs clients, comme le racontait Annie Féolde en 2016 sur le site du Gambero Rosso, qui est à la Botte ce que le Gault & Millau est à la France. Si l’Enoteca Pinchiorri ne s’est jamais aventurée dans l’Hexagone avec une table bis, elle a ouvert une enseigne à Nagoya, au Japon. Là-bas, les inspecteurs du guide rouge ont récompensé d’une étoile ses raviolis farcis de ragoût de gibier, son dessert à la mandarine et ses déclinaisons (glace, granité, crème semi-glacée) ou encore le lampredotto — sandwich florentin populaire à base de tripes de veau. Madame Féolde a ainsi réussi à faire voyager les saveurs toscanes à l’autre bout du monde.