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La renaissance du Chabichou
Après huit mois de travaux en 2019, puis deux années impactées par la pandémie, le célèbre établissement courchevellois espère bien, cette fois, faire profiter pleinement sa clientèle de la métamorphose de ses intérieurs.
Après huit mois de travaux en 2019, puis deux années impactées par la pandémie, le célèbre établissement courchevellois espère bien, cette fois, faire profiter pleinement sa clientèle de la métamorphose de ses intérieurs.
Passé Courchevel 1850, encore un ultime lacet par-delà le cœur de la station avant de le découvrir, dressé au pied de la piste. Impossible de le rater, tant sa silhouette en impose. À l’instar des cimes alentour, Le Chabichou est le seul édifice de la commune habillé d’un manteau immaculé. Deux hauts corps de bâtiment posés sur un socle en pierre, soulignés de balcons filants aux garde-corps joyeusement ajourés. Un ton sur ton de fière allure, durant la saison hivernale s’entend. Chabichou ? Drôle de nom pour un cocon 5 étoiles à la montagne. Non celui de ce fromage au lait de chèvre, mais d’un personnage d’une opérette des années 1930, patronyme donné au premier chalet construit sur le site, en 1950. Un nom insolite, certes, mais que le nouveau propriétaire des lieux, Jean-Claude Lavorel, patron du groupe hôtelier lyonnais éponyme, ne songea en aucun cas à abandonner lorsqu’il reprit l’établissement, en 2018 : « J’ai visité beaucoup d’hôtels à Courchevel, aucun ne dégage cette chaleur, aucun n’a cette histoire. »
Cette « histoire », c’est celle d’un couple fameux, Michel et Maryse Rochedy, qui a écrit une page mythique de la chronique hôtelière de cette station savoyarde. En 1963, ils acquièrent le chalet, alors neuf chambres au compteur, pour le transformer en hôtel-restaurant. Au fil du temps et des extensions, l’édifice passe à 25 chambres, puis à 41, son nombre actuel. Madame gère l’hôtellerie et Monsieur les fourneaux, sur lesquels il décroche un premier macaron au Michelin, en 1979, puis un deuxième cinq ans plus tard.
Décédé récemment, au mois de novembre 2021, Michel Rochedy avait cédé Le Chabichou au groupe Lavorel Hotels, à l’heure de partir à la retraite. Un an plus tard, l’établissement fera l’objet d’une rénovation de pied en cap. « L’idée était de conserver l’âme de l’hôtel, de sublimer cette histoire qui a prévalu, durant 55 ans, sous la houlette de la famille Rochedy, explique Émilie Rollet, architecte d’intérieur alors en charge de la métamorphose au sein de l’agence lyonnaise Patriarche. Avec sa façade de bois blanc, le bâtiment est emblématique pour un grand nombre de personnes. L’âme du Chabichou, c’est son côté familial et authentique. Il fallait que les clients n’aient pas l’impression qu’il ait changé, que rien ne soit clinquant, ni ostentatoire. Bref, qu’ils s’y sentent comme chez eux ».
Jadis situé au niveau de la rue, l’accueil s’est agrandi en descendant un niveau plus bas, devenant un lounge accueillant serti de bois et de murs de pierres, dans lequel les hôtes patientent sur de moelleux fauteuils à bouclette, face à une cheminée à l’âtre généreux. L’endroit est stratégique, car il distribue, avec fluidité, les deux corps de bâtiment, ainsi que le bar ou la sortie vers la piste, accès direct au vaste domaine des « 3-Vallées » (Courchevel/Méribel/Val-Thorens).
L’intérieur est à la fois confortable et élégant. On peut encore, à moult endroits, distinguer l’ossature originelle en bois brut. Du nuancier de couleurs ou de la gamme de matériaux éclot une paisible réserve : « Le code esthétique respecte une charte précise, souligne Émilie Rollet : un vert sombre emblématique, un blanc craie pour les murs, du bois rappelant à l’envi ladite structure historique, enfin, quelques touches de laiton lumineux ». Des chambres se dégage une atmosphère sereine. La plus vaste, la 714, n’est autre que l’ancien appartement de la famille Rochedy, avec ses cuisine, salon ou salle à manger et, en prime, une splendide cheminée, le tout lové sous la charpente ouvragée du toit.
« Pour instiller une touche d’originalité et un confort visuel supplémentaire, détaille l’architecte, nous avons introduit quelques éléments de décoration comme des plaids, des objets en bois — un petit écureuil, un miroir mural ou à main —, un secrétaire ou une table basse, des pièces qui donnent un côté cosy et chaleureux ». Idem avec ces larges planches nervurées qui habillent quelques parois, niches ou bureaux encastrés. Ou avec ce raffiné tartan qui recouvre certaines têtes de lit, générant une ambiance ô combien douillette. « L’idée de ce motif m’est venue lorsqu’un jour M. Lavorel est arrivé au bureau vêtu d’une magnifique veste en laine à carreaux verts et bleus, se souvient Émilie Rollet. Je me suis dit illico que cette pièce de vêtement pouvait être cette touche nouvelle et personnelle qui pouvait signer, de manière discrète, son arrivée dans le lieu ». La salle de bain, elle, arbore de larges carreaux de grès façon Terrazzo, d’une douce couleur grège.
La décoration du restaurant gastronomique adopte la même sobriété : d’élégants fauteuils d’un gris tourterelle, eux-mêmes réveillés par quelques spécimens orange potiron, entourent des tables rondes au pied en forme d’arbre. La cave à vin, elle, se fait paysage, « plantée » d’une haie de fleurs en porcelaine blanche. À l’extérieur, sur la vaste terrasse, les skieurs, l’hiver, peuvent s’y sustenter à l’heure du déjeuner, aussitôt après avoir déchaussé. Sous la piste de ski justement se blottit un spa qui, à lui seul, est une expérience. On zigzague entre chaleur sèche — Banya — ou humide — Hammam —, bain polaire et seau-cascade, grotte saline ou fontaine de glace, voire douche-expérience, en l’occurrence : affusions d’eau en versions Froid hivernal, Tempête d’été ou… Pluie tropicale. Sous les névés, la plage !