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Quand cheffes et sommelières
transforment leur profession
Le secteur de la restauration vit actuellement une évolution positive grâce à une plus grande diversité, notamment en termes de parité. Portraits de sept cheffes et sommelières qui partagent leur parcours et expériences, des cuisines animées de Seattle à la culture gastronomique minutieuse d’Osaka.
Le secteur de la restauration vit actuellement une évolution positive grâce à une plus grande diversité, notamment en termes de parité. Portraits de sept cheffes et sommelières qui partagent leur parcours et expériences, des cuisines animées de Seattle à la culture gastronomique minutieuse d’Osaka.
De plus en plus de femmes occupent aujourd’hui des postes importants et contribuent à faire évoluer les choses dans la bonne direction. Ces femmes qui ont des responsabilités dans l’œnologie et les arts culinaires composent une mosaïque diverse qui reflète le paysage évolutif du métier et inspire les nouvelles générations.
Fusion culinaire
Norka Mella-Munoz
Wharekauhau Country Estate, Featherston, Nouvelle-Zélande
Norka Mella-Munoz se définit comme « chiwi », c’est-à-dire moitié chilienne, moitié kiwi (terme d’argot désignant les Néo-Zélandais). Elle n’avait qu’une vingtaine d’années lorsqu’elle a quitté son Chili natal pour la Nouvelle-Zélande, mais ses racines se sont enrichies de celles de son pays d’adoption. Aujourd’hui cheffe du restaurant Wharekauhau Country Estate où elle se sent « comme à la maison », elle prend plaisir à cuisiner les ingrédients qui poussent dans les jardins de la propriété.
« Il y a de nombreuses années, nous avons reçu un jour un couple de Néo-Zélandais dans le restaurant où je travaillais en Patagonie, se souvient Norka. Au moment de leur servir l’agneau grillé, ils nous ont demandé de la sauce à la menthe. J’étais perplexe car c’était celle qu’on utilisait pour les desserts ! Nous nous sommes tous retrouvés en cuisine à préparer cette sauce pour accompagner leur viande. Comme nous ne parlions pas la même langue, nous avons communiqué par la gastronomie. La découverte de cette alliance de saveurs m’a fait comprendre que le monde déborde de possibilités culinaires. J’ai alors décidé de me lancer dans un voyage d’exploration et d’apprentissage. Je voulais découvrir la diversité de la cuisine mondiale et ses territoires inexplorés. »
Son amour et sa passion de la cuisine ne se confinent pas aux murs du restaurant : ils sont tout aussi palpables chez elle. Elle y passe son temps libre à préparer des plats avec ses deux enfants. « Je ne peux pas résister à une belle pièce de viande chez le boucher. De retour chez moi, j’aime montrer à mon fils la meilleure manière de découper chaque partie. On prend beaucoup de plaisir à élaborer le dîner ensemble. »
Les vertus de la patience
Aisha Ibrahim
Canlis, Seattle, Washington, États-Unis
Aisha Ibrahim est la première femme cheffe exécutive du restaurant Canlis à Seattle (États-Unis) depuis son ouverture voilà plus de 70 ans. Cette native des Philippines ne s’intéressait pas du tout à la cuisine jusqu’à ce qu’un accident la contraigne à rester chez elle. Elle s’est alors rendu compte que la restauration lui permettait d’exprimer aux autres l’amour qu’elle leur portait.
« L’évolution actuelle de la gastronomie est très intéressante », affirme Aisha, la voix vibrant d’une joie contagieuse. « Aujourd’hui, on peut raconter autre chose : je vois les chefs donner vie à leurs souvenirs d’enfance dans leurs assiettes. Notre carte inclut mon plat préféré, celui que ma grand-mère avait l’habitude de me cuisiner. Je lui rends hommage en le préparant avec les produits de cette région. Il raconte l’histoire de cette femme superbe et dynamique qui a joué un rôle très important dans ma vie. »
« Trust the Process » (“Faire confiance au process”), annonce un panneau accroché dans sa cuisine. Il rappelle la nature souvent imparfaite de toute carrière dans les domaines de la restauration. Lorsqu’il s’agit d’inspirer les jeunes générations, Aisha prône avant tout la patience : il faut tenir bon, à chaque tentative, jusqu’à obtenir le meilleur résultat possible. « “Trust the process” est un message fondamental pour les futures générations. Cela signifie que la patience est la clé du résultat recherché. Il y aura des petits moments de satisfaction, mais tout réside dans le fait d’absorber et d’apprendre, notamment de ce qui n’est pas parfait. Autrement dit, il faut être plus attentif, patient, compréhensif et présent. »
La passion en partage
Manon Isnard
Le Domaine du Mas de Pierre, Saint-Paul de Vence, France
La cheffe pâtissière Manon Isnard concocte d’irrésistibles desserts au Domaine du Mas de Pierre, un hôtel raffiné niché dans le cœur animé de sa ville natale, sur la Côte d’Azur. À seulement 28 ans, cette jeune cheffe talentueuse, créative et dynamique dirige une équipe principalement composée de femmes, qui propose une expérience culinaire d’exception.
En cuisine, Manon associe le goût des agrumes et le parfum de l’orange à ses propres souvenirs pour créer des desserts qu’elle considère comme « des moments de [sa] vie, de [son] enfance, profondément influencés par le goût classique et la tradition mondialement célèbre de la pâtisserie française », mais aussi par les produits locaux de la région où elle a grandi.
Ses collègues la décrivent comme une cheffe obstinée, persévérante et extrêmement talentueuse, avec un fort caractère. Manon Isnard se passionne pour son métier, en particulier pour la création des nouveaux desserts. « On peut préparer une multitude de desserts à partir de quelques ingrédients simples. Les possibilités sont infinies. La création ne connaît aucune limite. » Le partage est un autre élément de son travail qui lui procure joie et satisfaction, « qu’il s’agisse de transmettre des connaissances et un savoir-faire ou de savourer ensemble un délicieux dessert. »
Former les talents de demain
Alexandra Himmel
Restaurant Lafleur, Francfort-sur-le-Main, Allemagne
Alexandra Himmel, cheffe sommelière du restaurant Lafleur, couronné de deux étoiles Michelin, à Francfort en Allemagne, est en train de laisser une trace indélébile dans l’univers du vin, grâce à sa passion et à son dévouement sans faille. Ayant grandi au milieu des vignes, son amour pour le vin est profondément enraciné en elle.
Alexandra considère son statut de femme comme un point fort, surtout dans ses interactions avec les hôtes. Lorsqu’elle s’occupe d’une table, elle met un point d’honneur à considérer chaque convive comme une personne à part entière, fascinée par leurs préférences et goûts uniques. « Le vin est un produit très sensible, dit-elle. J’apprécie le travail des viticulteurs et je comprends leur vision. C’est cette passion que je cherche à partager avec les hôtes. »
Elle estime aussi devoir transmettre ses connaissances, en insistant sur l’importance particulière de la formation des femmes à ce métier. « Dans le domaine du vin, la tradition a longtemps dicté les règles, et les sommeliers masculins occupent généralement le devant de la scène. Le mentorat est essentiel, ce système de soutien et de conseil permet de résoudre les problèmes susceptibles de se présenter dans le monde exigeant de la sommellerie. Nous progressons, mais il reste encore beaucoup à faire. » Elle souligne toutefois qu’une importante transformation est en cours. Davantage de femmes sont mises en lumière, défient les stéréotypes et font tomber les idées reçues – un rôle qu’elle joue d’ailleurs elle-même.
Un duo inspirant
Diana Peixoto et Ebelia Mora Alonso
Pepe Vieira - Restaurant & Hotel, Poio, Espagne
Le restaurant Pepe Vieira est installé sur la côte à l’extrême nord-est de l’Espagne, dans l’une des dernières étapes du célèbre Chemin de Compostelle portugais. Les sommelières Diana Peixoto et Ebelia Mora Alonso y collaborent à la création d’une carte des vins originale, inspirée de leurs différences respectives.
Si leur duo est encore récent, la synergie entre Diana et Ebelia est déjà évidente. Elles considèrent leur partenariat comme la fusion de deux profils différents et insistent sur la richesse issue de la diversité de leurs expériences. Elles « fusionnent », pour reprendre leurs propres termes. « Deux profils différents ont toujours beaucoup plus à offrir à une carte des vins telle que la nôtre, explique Diana. On se complète. »
Les deux femmes n’appartiennent pas à la même génération, mais leurs différences sont complémentaires. « Notre différence d’âge apporte beaucoup, explique Ebelia. La jeunesse de Diana est un atout pour l’équipe, notamment pour son enthousiasme, alors que j’ai tendance à être plus calme. Notre relation est équilibrée. »
Ce duo harmonieux et dynamique organise régulièrement des dégustations de vins et des visites des domaines viticoles pour transmettre ses connaissances au reste de l’équipe en salle. Selon Ebelia, « avec plus de connaissances des vins en salle, l’expérience de l’hôte ne sera que meilleure. » Diana ajoute : « Notre travail consiste à rapprocher le client de la vigne, du raisin et du producteur. La création de ce lien est toujours une expérience inoubliable. »
Une passion née de l’amour du manga
Azumi Hamabuchi
Kashiwaya Osaka Senriyama, Osaka, Japon
Azumi Hamabuchi est la sommelière du Kashiwaya, un restaurant ryotei traditionnel réputé, trois étoiles au guide Michelin, situé dans les environs d’Osaka au Japon. Selon elle, le savoir et le dévouement sont les principales qualités qu’un sommelier se doit de cultiver.
Élevée dans la campagne japonaise, Azumi n’a pas mis les pieds dans un restaurant avant l’âge de vingt ans. Sa vie a pris un tour inattendu le jour où elle a eu l’occasion de déguster du Clos Saint-Denis, un grand cru français. « La première fois, j’ai été impressionnée par son goût de figue et sa maturité », raconte-t-elle. À partir de là, sa vie a radicalement changé. « J’ai découvert l’excitation procurée par un tel “délice”, même si je ne pouvais pas l’expliquer. J’ai donc tout de suite voulu en savoir plus sur le vin. » Une autre source surprenante lui a servi d’inspiration : « C’était la parution à cette même époque, du manga Les Gouttes de Dieu, sur le métier de sommelier. Je pense qu’il m’a beaucoup influencée. »
Azumi s’est alors lancée à la découverte des différentes nuances de vins et comment les accorder aux mets. « Ce n’est qu’à travers le savoir et l’expérience qu’on peut réellement apprécier l’équilibre et la maturité d’un vin », conclut-elle.