La pêche électrique sera bien interdite en Europe à partir du 1er juillet. Un dénouement victorieux, au terme d’un long combat mené par BLOOM et soutenu activement par les chefs Relais & Châteaux.
Mise à jour - 04/06/2021
Le 15 avril 2021 restera marqué d’une pierre blanche au fond des mers. Pour l’association BLOOM, aux côtés de laquelle les chefs Relais & Châteaux sont pleinement engagés depuis des années, mais aussi pour celles et ceux qui œuvrent à juste titre pour la conservation des ressources halieutiques et la protection des écosystèmes marins. Ce jeudi-là, la Cour de justice de l’Union européenne a rejeté le recours introduit le 4 octobre 2019 par les Pays-Bas « contre l’interdiction de la pêche au moyen de navires utilisant le courant électrique impulsionnel ».
Déjà prohibée par un règlement datant du 30 mars 1998, la pêche électrique avait depuis bénéficié de dérogations, annuelles en 2006 puis permanentes en 2013, accordées à titre expérimental à chaque État membre, à hauteur de 5 % de sa flotte de chalutiers à perche (le filet est fixé à une perche déployée sur le côté, pour capturer des poissons de fond). Cette décision ouvre la voie à son interdiction totale et définitive en Europe à partir du 1er juillet 2021.
Engagés par leur propre Manifeste, signé en 2014 à l’Unesco, les chefs Relais & Châteaux n’ont jamais hésité à se mobiliser auprès de BLOOM, notamment à travers une opération d’envergure chaque 8 juin, à l’occasion de la Journée mondiale de l’océan. « C’est une étape importante dans un long combat, souffle Christopher Coutanceau, chef-propriétaire triplement étoilé de son restaurant éponyme à La Rochelle. En 2018, on a fait signer 500 chefs Relais & Châteaux dans 20 pays. Je suis allé personnellement deux fois au Parlement européen avec BLOOM. La mobilisation a porté ses fruits. »
© Stéphane Méjanès
Article - 17/10/2018
La pêche électrique: les chefs se mobilisent pour l'interdire
Chine, États-Unis, Australie ou encore Brésil : la pêche électrique est interdite dans de nombreux pays. Elle l’est aussi en Europe depuis 1998, mais du fait d’un régime dérogatoire mis en place en 2006 et de licences supplémentaires accordées à la flotte néerlandaise, elle fait désormais l’objet d’une pratique à fins commerciales aux Pays-Bas. Son interdiction définitive a été votée par le Parlement européen le 16 janvier 2018, le sujet est désormais débattu en trilogue (Parlement, Commission et Conseil). Réuni le 4 octobre dernier, celui-ci semblait pencher pour une poursuite, voire une extension, de la pêche électrique. Retour sur un scandale politique, financier, social et environnemental.
La pêche électrique cible les espèces de fond, et notamment les poissons plats tels que la sole et le carrelet. Le principe ? Les chaluts équipés d’électrodes envoient des décharges électriques dans le sédiment : les poissons, « sonnés », se laissent ensuite plus facilement capturer dans les filets. Technique non sélective comme son cousin le chalut à perche conventionnel, elle pose la question du volume de prises accessoires mais aussi de leur taux de survie une fois rejetées en mer. Par ailleurs, plus légers que les chaluts à perche conventionnels, les chaluts électriques peuvent atteindre des zones proches des côtes, souvent lieux de reproduction ou nurseries.
Même si — et c’est là une partie du problème — aucune étude ne vient mesurer son impact, l’utilisation de courant électrique (impulsionnel bipolaire, identique à celui des Tasers) a des effets sur l’écosystème dans lequel il est utilisé : juvéniles, œufs, larves, plancton, espèces non ciblées… La quantification, ce sont malheureusement les pêcheurs artisanaux qui la font. La baisse drastique des captures menace ces petits métiers de la pêche — intensifs en main-d’oeuvre, quand la pêche industrielle l’est en capital — et les savoir-faire qui leur sont liés.
En un mot, la pêche électrique est l’emblème de cette course aux technologies de plus en plus sophistiquées qui transforment nos océans (et nos ports) en déserts. C’est d’ailleurs pour la « conservation des ressources de pêche par le biais de la protection des juvéniles […] » que l’Europe l’a interdite en 1998.
Et pourtant, en 2006 se met en place un régime dérogatoire, et ce contre l’avis du Comité scientifique, technique et économique de la pêche (CSTEP). Au départ annuelles, les dérogations deviennent permanentes en 2013, fixées à 5% de la flotte de chaluts à perche. Parallèlement à cela, le gouvernement néerlandais obtient des licences supplémentaires, pour certaines sous couvert de recherche, pour d’autres sans justification. Les Pays-Bas disposent aujourd’hui de 84 licences électriques, soit 30% de leur flotte de chaluts à perche.
L’équipement de ces bateaux a bénéficié de millions d’euros de subventions publiques (3,8 millions d’aides européennes depuis août 2015 seulement). Moins de la moitié d’entre eux ont été impliqués dans des recherches, selon un journaliste néerlandais ayant eu accès aux dossiers. Des scientifiques, pêcheurs et représentants du gouvernement néerlandais ont fini par admettre que la conversion de la flotte néerlandaise à l’électricité était motivée par des considérations commerciales. Selon l'institut néerlandais IMARES, les soles capturées à l’électricité en 2014 représentaient 92% de toutes les soles capturées par les chaluts néerlandais.
Déjà lanceur d’alerte sur le sujet du chalutage en eaux profondes, l’association BLOOM milite activement pour l’interdiction de la pêche électrique. Peu après le vote encourageant du Parlement européen en janvier, le président Macron déclarait ne pas être favorable à la pêche électrique. Compte tenu du poids de la France au sein de l’Union européenne, la tournure que prennent les négociations du trilogue est surprenante. BLOOM vient donc de lancer une nouvelle pétition demandant à M. Macron de joindre les actes à la parole. Les chefs de Relais & Châteaux renouvellent leur soutien à l’action de BLOOM et réaffirment haut et fort leur opposition à la pêche électrique, destructrice d’écosystèmes, d’emplois et de savoir-faire.