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Hideaki Matsuo,
un chef protecteur des océans
Il y a des connexions qui ne se font pas par hasard. Celle entre Relais & Châteaux, la Manufacture de Haute Horlogerie Blancpain et le chef Hideaki Matsuo s’est construite autour de leur volonté commune de protéger l’océan. Ils évoquent aujourd’hui leurs actions pour préserver les trésors marins.
Il y a des connexions qui ne se font pas par hasard. Celle entre Relais & Châteaux, la Manufacture de Haute Horlogerie Blancpain et le chef Hideaki Matsuo s’est construite autour de leur volonté commune de protéger l’océan. Ils évoquent aujourd’hui leurs actions pour préserver les trésors marins.
Difficile d’imaginer, devant cette maison toute simple du quartier résidentiel de Senriyama, au nord d’Osaka, que l’on va pénétrer dans l’un des meilleurs restaurants du Japon, qui peut s’enorgueillir de trois étoiles au guide Michelin depuis douze ans. Nous sommes au Kashiwaya Osaka Senriyama, restaurant de cuisine kaiseki que Hideaki Matsuo, fils de son fondateur, a porté très haut en quelques décennies.
Kashiwaya offre une expérience toute particulière à ses clients en leur montrant que l’excellence peut se conjuguer avec une vision responsable de la cuisine, aussi sophistiquée soit-elle. Si les plats se déploient ici comme un poème sur le menu, dans une cascade d’ingrédients appétissants, ces ingrédients, le chef ne les utilise qu’en petites quantités, adoptant une attitude durable qui lui a valu en 2020 une étoile verte Michelin. « Nous n’utilisons que le strict nécessaire, dans la quantité que nous pouvons produire sans nuire à la nature », précise-t-il. Mais son engagement va plus loin, comme il nous le raconte en préparant en cuisine, entouré de sa petite équipe, un filet de katsuo (bonite) fumé à la paille de riz.
Chez ce chef ambitieux et déterminé, la vision à long terme sur la pêche durable et la protection des espèces marines est un impératif qu’il partage avec Relais & Châteaux et leur partenaire Blancpain, horloger d’exception qui compte le chef Matsuo comme ami de la marque. Créatrice de la première véritable montre de plongée, la Fifty Fathoms, en 1953 et par la suite engagée dans des actions pour la protection des océans, cette maison horlogère soutient et tisse des liens étroits avec des explorateurs, des photographes, des scientifiques conscients de la valeur inestimable de ces ressources maritimes précieuses. À ce jour, les multiples activités menées avec passion par Blancpain ont abouti à des résultats tangibles, contribuant notamment à augmenter de manière significative la couverture des aires marines protégées dans le monde, avec l'ajout de plus de 4.7 millions de km2. Ça n’est donc pas un hasard si Hideaki Matsuo se sent proche de l’horloger.
Gombessa IV Expedition (c) Laurent Ballesta
Sa prise de conscience, progressive, commence dans les années 2000, alors qu’il ne trouve plus forcément les poissons à leur saison habituelle au marché. La saison correspond à la période durant laquelle l’espèce est davantage présente sur les étals car capturée en plus grande quantité, ce qui coïncide généralement avec la période de reproduction. Cette saison n’est donc pas forcément un critère de durabilité, car une pêche pratiquée à ce moment doit être mesurée en fonction des espèces et de leur stock. Hideaki Matsuo réalise aussi que, les températures augmentant abruptement, le printemps tend à raccourcir et les saisons - si importantes au Japon - changent. Son quotidien de chef en est chamboulé. En 2019, il fait partie des chefs Relais & Châteaux Japon et Corée qui signent un manifeste pour la protection des ressources marines, l’un des 17 objectifs de développement durable emmenés par l’ONU.
Droite : © Nathalie Cantacuzino
Dans la foulée, il rencontre Yoshifumi Sawada, professeur et directeur du département de l’aquaculture et de la pêche de l’université Kindai. « Là, j’ai eu accès à des données, et pris conscience de la gravité du problème. Cela a été un choc, j’ai compris qu’on ne pouvait pas continuer comme ça. » Avec quelques chefs proches de Sawada, Hideaki Matsuo crée l’entreprise Relationfish pour aborder la question de la pêche durable. « Notre objectif principal est de protéger l’environnement et les poissons. De communiquer aussi, en organisant des journées d’information auprès du grand public. Notre projet le plus abouti est un élevage d’un poisson peu consommé, l’aigo (poisson-lapin à point nacré, ou picot gris), qui est largement répandu dans les zones côtières du Japon et qui se nourrit d’algues. . Ce dernier point est intéressant, car la plupart des poissons en élevage sont nourris avec des pellets (des aliments fabriqués à partir de poissons sauvages, ce qui est l’une des causes de surpêche), ou bien des alevins - et le fait de prélever des poissons pour en nourrir d’autres est un problème pour l’environnement. »
Pendant que ses morceaux de katsuo marinent dans un mélange de sauce soja et de vinaigre japonais, Hideaki Matsuo cite trois espèces particulièrement menacées par la surpêche, le thon (maguro), l’ormeau (awabi) et l’anguille (unagi). « Le cas de cette dernière est particulier : celles consommées au Japon sont des poissons d’élevage, mais élevées à partir d’alevins prélevés en milieu naturel, parce que leur cycle de reproduction n’est pas encore bien connu. Les cuisiniers de cette spécialité sont donc impatients qu’on arrive à ce qu’elles puissent se reproduire en élevage. »
Hideaki Matsuo s’applique, lui, à mettre sur sa carte des poissons qui n’étaient pas consommés habituellement. « Traditionnellement, les Japonais, qui sont de gros consommateurs de poisson, mangeaient des poissons pêchés localement, donc des espèces variées selon chaque région. Dans les années 1970, on a vu l’essor de groupes de pêche industriels qui ont imposé dans les supermarchés les mêmes espèces, thon, maquereau, chinchard… Notre travail de chef, c’est de remettre en avant des poissons un peu oubliés, comme le gacho ou le kasago, par exemple. »
© Nathalie Cantacuzino
Il veille à expliquer sa démarche à ses clients, pour les sensibiliser aux enjeux de la pêche durable. En juin, c’est la saison du bar isaki, du hotate (pétoncle japonais) et du katsuo, dont il s’assure qu’il soit “de ligne”, une pêche particulièrement durable puisqu’on ne prélève que ce dont on a besoin. En attendant, nous voyons arriver sur la table nos tranches de katsuo agrémentées d'une sauce miso moutardée, décorées de fleurs de cébettes et de shiso. Un régal de tous les sens.
Texte - Marion Bley